Le Serin, la Maîtresse et le Pinson Eugénie et Laure Fiot (19ème siècle)

Un beau serin dans sa cage était né :
11 s'y trouvait très-fortuné ;
Car la meilleure des maîtresses
Était pour lui prodigue de tendresses,
Et, prévenant tous ses désirs,
De sa main lui servait sucre, gâteaux, plaisirs ;
Et, de la liberté connaissant peu l'usage,
Il paraissait content et sage.
Un jeune et gai pinson
Avait son nid, tout près de la maison,
Sur un des arbres d'une allée.
Le serin près de lui dirigeant sa volée,
S'en vint un jour le visiter,
Et puis, sans façon, l'inviter
A partager sa cage et sa fortune.
Dès lors leur destinée aurait été commune.
La maîtresse ajoutait : « Viens ici, bel oiseau,
Tu jouiras, chez nous, d'un plaisir tout nouveau,
« Je gagne ma petite vie,
Lui répondit-il doucement,
Mais fort joyeusement ;
Bien que vous me sembliez bonne autant que jolie,
Je ne sais pourquoi je vous crains.
Je ne suis point, comme sont les serins,
Amoureux de la cage :
Je préfère à votre esclavage
La douce liberté
Et ma gaîté.

Un sage a dit, dans un bon livre :
Il vaut toujours mieux vivre.
Très-pauvre en liberté que très riche en prison,
Et le sage a raison. »

Fables nouvelles, Livre V, Fable 11, 1851




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