Autrefois Progné l’hirondelle
De sa demeure s’écarta,
Et loin des villes s’emporta
Dans un bois où chantait la pauvre Philomèle.
Ma sœur, lui dit Progné, comment vous portez-vous ?
Voici tantôt mille ans que l’on ne vous a vue :
Je ne me souviens point que vous soyez venue,
Depuis le temps de Thrace, habiter parmi nous.
Dites-moi, que pensez-vous faire ?
Ne quitterez-vous point ce séjour solitaire ?
Ah ! reprit Philomèle, en est-il de plus doux ?
Progné lui repartit : Eh quoi ! cette musique,
Pour ne chanter qu’aux animaux,
Tout au plus à quelque rustique !
Le désert est-il fait pour des talents si beaux ?
Venez faire aux cités éclater leurs merveilles :
Aussi bien, en voyant les bois,
Sans cesse il vous souvient que Térée autrefois
Parmi des demeures pareilles,
Exerça sa fureur sur vos divins appas.
Eh ! c’est le souvenir d’un si cruel outrage
Qui fait, reprit sa sœur, que je ne vous suis pas :
En voyant les hommes, hélas !
Il m’en souvient bien davantage.