Le Lierre enorgueilli de l'appui de l'Ormeau,
Insultait un jour au Roseau :
Frêle jouet de la tempête,
Arbuste vain, dit-il, plutôt que d'implorer
Le secours des puissants, je te vois t'atterrer
Devant les Aquilons ; sans te courber la tête
Zéphyre ne peut respirer.
J'approuve ta délicatesse ;
Sans doute la fierté sied bien à la saiblesse.
Mais d'avoir {u ramper je ne me repens pas.
Que les vents déformais redoublent leurs vacarmes,
Je vis tranquille et sans alarmes ;
Bien sur de mon appui, je m'endors dans ses bras.
Et moi j'aime encor mieux céder à la tempête,
Dit le Roseau ; que sert de résister au vent ?
C'est un fléau qui passe et bien fort qui l'arrête :
Mais le calme renait ; alors le plus souvent
Dans les airs à mon gré je balance ma tête ;
C'est un plaisir au moins qu'un Lierre a rarement :
Peut-il, sans son ormeau, faire un seul mouvement :
C'est un méchant parti que de faire dépendre
Son destin du destin d'autrui ;
Tel qui te protégé aujourd'hui
Demain ne pourra se défendre ;
Et jusqu'ici les vents ont plus brisé d'ormeaux
Qu'ils n'ont arraché de Roseaux,
Sans compter ceux que la hache cruelle.
Comme il disait ces mots, un fatal bucheron
Prononçait à l'Ormeau sa sentence mortelle ;
Le Lierre y fut compris ; malgré mainte oraison
Tendant à démontrer que c'est une injustice,
Qu'il n'a pas mérité l'honneur de ce supplice,
On vous le traite en grand Seigneur ;
Le Protégé périt avec le Protecteur.