Un Loup qui fut dans son printemps
Le fléau des troupeaux, la terreur des Bergères,
Accablé sous le poids des ans,
Mourait de faim, pour comble de misères.
Pressé par le besoin, le désolé glouton
Aborde en sanglotant un Berger du Canton.
Faisons Ia paix, dit-il ; prêt à quitter la vie,
J'ai songé mûrement à ma conversion.
Dans l'âge hélas ! de la folie,
De tes jolis moutons j'ai passé mon envie.
Sans vouloir m'excuser sur mon intention,
J'ai désolé ta bergerie :
Mais je vais la défendre envers et contre tous ;
Je vais hurler contre les Loups.
Je serais bien tenté d'aller me faire ermite ;
Mais dans la solitude on n'est utile à rien ;
Pour réparer le mal, il faut faire du bien.
Le Berger reprit : hypocrite !
Tu vécus en Loup si longtemps,
Et tu te fais Berger quand tu n'as plus de dents !
Meurs en Loup ; voilà ton salaire,
Dit-il, en l'assommant ; le retour des méchants
N'est qu'impuissance de mal faire.