Les Charlatans Jean-Jacques Boisard (1744 - 1833)

Un noir pédant, dans sa chaire incruste,
S'enrouait avec dignité :
Mes enfants, disait-il, chez moi, quand on s'applique,
On apprend tout, Dialectique,
Et Métaphysique et Physique ;
Surtout de bons traités de morale angélique,
Théorique et pratique,
Pour tous Les maux de l'âme infaillible topique...
Chez moi seul on s'éclaire et l'on se forme au bien ;
Je suis modeste et véridique ;
Seul je fais tout, vous dis-je et mes Confrères rien.
De son côté, dans la place publique,
Sur ses tréteaux un brillant Empirique
Criait à haute voix : Approchez, pulmonique,
Paralytique, étique, asthmatique, hydropique ;
Qui que tu sois, guéris ou crève pour six blancs :
D'un pot d'orviétan décharge ma boutique ;
Pour tous les maux du corps c'est un remède unique...
Je vous donne un avis, mais gratis, mes enfants :
Défiez-vous des Charlatans,
Gens qui parlent sans fin d'utilité publique,
Et dont l'art est celui de vivre à vos dépends.
Ma Fable, je le sens, deviendrait un gros livre,
Si j'y rêvais un peu mais je n'ai pas le temps.
Que de parleurs publics, d'ailleurs fort braves gens,
Dont on sait bien qu'au fond, malgré les beaux semblants,
La devise est : Tromper pour vivre.