Ce Charlatan qui prétendait qu'un âne
Qu'il instruirait à sa façon,
Porterait un jour la soutane
Et deviendrait un Cicéron,
Si, pour lui bien fourrer ce savoir dans la tête,
On voulait lui donner dix ans,
C'est-à-dire à peu près le temps
Qu'emploie un écolier pour rester toujours bête;
Qui. consentait d'être mis au gibet
Si, pour l'époque définie,
Il n'avait pas transformé son sujet;
Ce charlatan connaissait bien la vie :
Comment compter sur dix ans d'existence,
Quand on ne peut compter sur un instant?
Qu'on soit dès lors, s'il se peut, bien mangeant,
C'est un détail; mais la prudence
Conseille d'être bien vivant,
Afin d'être toujours prêt à plier bagage
Quand il faudra partir pour l'éternel voyage.

Les charlatans, à qui la graine de niais
Sert d'aliment et de pâture.
Sont aujourd'hui plus nombreux que jamais.
Il en est de toute nature :
D'abord, les charlatans de la littérature;
Les uns très malhonnêtement
Trempant leur plume dans l'ordure,
Dans le mensonge et l'imposture,
Pour composer d'affreux poisons;
D'autres, gonflant de grands ballons
Qui retombent bientôt à terre
Et sont crevés au bout de quelques bonds;
D'autres faisant mousser le savon littéraire
Pour en tirer, comme de grands enfants,
Des bulles qu'emportent les vents;
Les charlatans de la critique,
Qui consacrent leur rhétorique
A faire croire au public ingénu
Qu'ils connaissent un art qu'ils n'ont jamais connu ;
Qui s'embrouillent sur l'esthétique,
Jugent tout sans critérium,
Et quand une mouche les pique,
Ne savent plus garder le décorum;
Les charlatans de la bazoche,
Qui sont toujours très-convaincus
De l'innocence et des vertus
Des drôles à qui l'on reproche
D'avoir cent fois rempli leur poche
Au détriment d'hurluberlus;
Les charlatans de la finance,
Subtils prestidigitateurs,
Qui jettent de la poudre aux yeux des spectateurs,
Et font si bien qu'on va de confiance
Verser sa bourse dans les leurs ;
Les charlatans, secte plus empirique
De la science économique;
Adorateurs du dieu Crédit,
Qui disent qu'on a tout profit,
Au lieu de s'acquitter des dettes déjà faites,
A faire de nouvelles dettes,
Et qu'en se ruinant un État s'enrichit;
Les charlatans, du faux libéralisme,
Qui, trahissant la liberté,
Nous mènent droit au despotisme,
Grâce aux flonflons de ceux du journalisme,
. Qui, se vendant sans dignité,
Transformant leur plume en lardoire,
Dénaturant les faits, faisant mentir l'histoire,
Assassinent la vérité ;
. Les charlatans du républicanisme,
Qui rêvent de remaniement,
Et font consister l'organisme
D'un bon gouvernement
A retourner le mécanisme,
Le dessous par dessus, pour tout redressement,
Et le derrière par devant.
Il en est qui prônent de vieux systèmes,
Qu'ils habillent en nouveautés :
Systèmes que l'Indien a jadis inventés,
Et sur lesquels les Grecs ont penché leurs fronts blêmes ;
Systèmes à dormir debout,
Où sans façon l'homme se déifie,
Où l'univers à Dieu s'identifie,
Tous deux ne formant qu'un seul tout : ;
Ce sont les charlatans de la philosophie.
Les charlatans ! eux seuls sont en progrès;
Eux seuls ont du succès.



Oh, une fable politique. Rien n'est plus plaisant que d'entendre un curé nous parler politique. Il me fait penser à ces toutologues modernes que l'on invite pour leur demander leur avis sur tous les sujets du moment, qu'ils feignent de tous maîtriser.

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