De tout temps le Hibou, misanthrope cruel,
De la gent volatile est l'ennemi mortel.
Horreur de la nature entière,
Il fuit de l'œil du jour l'importune lumière.
Confiné dans son trou, seulement vers le soir,
Quand la Nuit sur la terre étend son crêpe noir,
Il poufse un cri, signal de son horrible joie ;
Vers les sombres forêts enfin 1l prend l'essor,
Choisissant pour veiller le moment où tout dort.
Sa cruauté dans ombre à loisir se déploie...
Pauvres petits oiseaux, que je plains votre sort !
Plus d'un Orphée hélas ! du barbare est la proie,
Et passe en un moment du sommeil à la mort.
Mais à peine l'Aurore écarte les ténèbres,
En pouffant des clameurs funèbres,
Il regagne le creux d'un pin vieux et pourri.
Aussi, durant le jour, par son lugubre cri
S'il vient à se trahir, sur les branches prochaines
Tous les chantres ailés viennent fondre à grand bruit ;
D'un gazouillis confus la forêt retentit,
L'arbre est le rendez-vous de mille et mille haines.
L'Oiseleur s'aperçut de leur acharnement,
Et même en profita. Dans l'ombre du feuillage
Il se pratique un : logement,
Hérisse de gluaux le branchage attenant ;
Puis le traitre imita la voix rauque et sauvage
De l'ennemi ; dans le moment
Tout le peuple de l'air d'accourir à sa perte ;
De vidimes bientôt la cabane est couverte.
L'Hirondelle avisée entre tous les oiseaux,
Du haut des airs un jour entendit ce tapage.
Que faites-vous, dit-elle ? Ah ! quittez ce bocage,
Et croyez-moi, ces cris me semblent des appeaux,
Ces bâtons menacent ruine.
Qu''opérez-vous par des clameurs ?
L'ennemi, quel qu'il soit, se rit de vos fureurs :
Vous ne le voyez pas, lui seul vous examine ;
Il a tout l'avantage... On jasait au plus dru
Et l'on n'écoutait rien, tant qu'enfin dans la glu
L'on s'empêtre les pieds, les ailes ; l'on s'écrie,
Mais en vain ; maint gluau combe au premier effort,
L'Homme parait ; l'on perd la liberté, la vie :
Quand il n'en est plus temps l'on reconnait son tort,
Quand l'erreur est fatale autant qu'elle était lourde.
Haine extrême est aveugle et sourde.