Un jour, une bande d'oiseaux,
Qui n'avait jamais vu ni filets ni réseaux ;
Se laissa prendre à la pipée.
Sachons comment elle y fut attrapée.
Une paire de jouvenceaux
Vient pour leur tendre des gluaux,
Près d'une ravine écartée,
Où l'on voyait couler une nappe argentée;
L'un d'eux faisait raisonner un appeau,
L'autre attendait qu'on fut tombé dans le panneau,
Faisant jouer un fil, qui tirait par la patte
Un geai, sur la terre attaché,
Qui criait comme un geai qu'on aurait écorché.
Un geai, dans la douleur, est un objet qui flattes
Cet animal, babillard et goulu,
Est du peuple ailé mal-voulu ,
On prend plaisir à le voir dans la peine ;
On vient pour s'en donner l'aubaine.
Ah ! disait, d'un air de mépris,
La commère margot la pie,
Mais qu'a donc ce vilain, pour pousser les hauts cris !
Il attrapera la pépie.
Et puis, de s'approcher pour mieux prendre sa part
De l'infortune du braillard,
Et d'inviter la bande alerte ,
Que les accents trompeurs, imités d'un oiseau,
Avoient fait venir en troupeau
Pour partager la découverte
Un ruisseau, qu'ombrageaient des feuillages épais ,
Invitait à jouir au frais
D'une abondance à leurs besoins offerte;
Les oisillons se laissaient entraîner.
Un vieux merle, bon camarade,
Planant au haut de l'embuscade,
Autant qu'un merle peut planer,
Criait : laissons le geai ; qu'il se tire des serres,
Ou son mauvais destin l'a mis ;
Fuyons, fuyons, mes frères, mes amis ,
Qui ne verrait un piégé ici n'y verrait guère.
Tout m'y devient suspect, grains, ombrage, ruisseau ;
Il va nous en coûter et la plume et la peau.
Le merle a beau crier ; car la troupe indiscrète
A mis de tous côtés le pied sur la baguette :
On y reste englué. Comment se dégager?
Pour arracher la patte , on trépigne, on chancelle ;
On finit par engager l'aile ;
Les oiseleurs vont tout gruger.
Nous sommes conformés de sorte,
Quand un objet nous entraîne vers lui ;
Qu'il est rare qu'on s'en rapporte
A l'expérience d'autrui.

Fable 3




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