Les Loups, partis de bon matin,
S'étaient, tout un grand jour, occupés de la chasse.
Le Corbeau, s'obstinant à suivre leur destin,
Tout ce jour vola sur leur trace.
Le soir, quand il les vit commencer leur festin,
L'effronté vint avec audace
Réclamer sa part du butin.
« Ta part ! et de quel droit te mets-tu sur la liste ?
Lui dit un des chasseurs. Mais vous avez dû voir
Comme j'ai rempli mon devoir,
Sans vous quitter jamais, vous suivant à la piste. -
Quel gré pouvons-nous t'en savoir ?
Pendant que nous battions la plaine,
De loin, sans t'exposer aux coups,
Tu volais sur nos pas : qui n'a point pris de peine,
Doit-il partager avec nous ?
Quel motift'animait ? l'espoir de quelque proie !
Si nous eussions péri, tu fondais avec joie
Sur les restes des pauvres Loups.
Nous ne te devons rien : tu peux partir à vide. »

Le monde a bien des gens que le même esprit guide,
Et qu'on voit, après coup, faire les empressés ;
Vrais corbeaux, qui, sans honte, ouvrent leur bec avide,
Lorsque les dangers sont passés.

Livre II, fable 9




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