La Broussaille et la Vipère Joseph-Marie de Gérando (1772 - 1842)

Sur ses vieux jours un bourgeois retiré
Goûtait des champs le repos tutélaire.
A de paisibles soins son temps était livré,
Il embellissait son parterre.
Son fils l'aidait et d'un gazon nouveau
Avec lui préparait la naissante parure,
Dans un canal conduisait l'onde pure,
Ou bien dressait, taillait le flexible rameau
En espalier tendu sur la muraille.
< «Lui dit son père un jour, dont le soleil jamais
« Ne pénétra le labyrinthe épais ?
« Il me déplaît, il offusque ma vue,
«L'œil n'y démêle rien. » Son fils vole à l'instant,
Et la broussaille est abattue.
Mais quelle épouvante ! quels cris !
On voit sortir une horrible vipère,
Que suivent ses nombreux petits,
Sifflant, rampant, les yeux enflammés de colère.
« Ah ! mon père,
S'écria le garçon surpris :
Vois- tu le hideux mystère
Que dans son sein renfermait ce fouillis ? -
Oui, mon fils, et d'un cœur qui manque de franchise
Et qui dans ses discours se couvre et se déguise,
Tel est aussi le secret odieux.
En son sein se cache à nos yeux
Et se nourrit quelque vipère :
Un cœur noble, un cœur pur ne craint point la lumière. »

Livre I, Fable 13




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