À jeun, le corps tout transi,
Et pour cause,
Un jour d’hiver la fourmi,
Près d’une ruche bien close,
Rôdait, pleine de souci.
Une abeille vigilante
L’aperçoit et se présente.
« Que viens-tu chercher ici ? »
Lui dit-elle. – « Hélas ! ma chère »,
Répond la pauvre fourmi,
« Ne soyez pas en colère :
Le faisan, mon ennemi,
A détruit ma fourmilière ;
Mon magasin est tari ;
Tous mes parents ont péri
De faim, de froid, de misère.
J’allais succomber aussi,
Quand du palais que voici
L’aspect m’a donné courage.
Je le savais bien garni
De ce bon miel, votre ouvrage ;
J’ai fait effort, j’ai fini
Par arriver sans dommage.
Oh ! me suis-je dit, ma soeur
Est fille laborieuse ;
Elle est riche et généreuse ;
Elle plaindra mon malheur.
Oui, tout mon espoir repose
Dans la bonté de son cœur.
Je demande peu de chose ;
Mais j’ai faim, j’ai froid, ma soeur !
– Oh ! oh ! répondit l’abeille,
Vous discourez à merveille.
Mais vers la fin de l’été,
La cigale m’a conté
Que vous aviez rejeté
Une demande pareille.
– Quoi ! vous savez ? – Mon Dieu, oui,
La cigale est mon amie.
Que feriez-vous, je vous prie,
Si, comme vous, aujourd’hui
J’étais insensible et fière ;
Si j’allais vous inviter
À promener ou chanter ?
Mais rassurez-vous, ma chère ;
Entrez, mangez à loisir,
Usez-en comme du vôtre,
Et surtout, pour l’avenir,
Apprenez à compatir
À la misère d’une autre. »