Les Soufflets de l'Orgue Pierre Bergeron (1787 - 18??)

Un jour, un organiste habile,
Qui promenait légèrement
Ses doigts sur le clavier mobile,
Fut tout à coup frappé d'étonnement ;
L'orgue, dont on vantait cependant l'excellence,
Ne rendit pas le moindre son.
Or de cet étrange silence
Voici quelle était la raison.
Les soufflets se donnant beaucoup trop d'importance,
Eurent la sotte outrecuidance
De prétendre, sans les tuyaux,
Produire ces accords si variés, si beaux,
Qui transportaient, qui charmaient l'assistance ;
Ils s'en croyaient seuls les auteurs ;
Ils se séparent donc des tubes conducteurs
Qui menaient l'air à la machine ;
Puis les voilà soufflants, soufflants,
Au point de se rompre les flancs.
Mais, comme chacun le devine,
Nos soufflets orgueilleux firent de vains efforts :
Plus de son, partant plus d'accords.

De là, me dira-t-on, que voulez-vous déduire ?
Qu'en politique, fort souvent,
Si l'un des trois pouvairs prétend seul tout conduire,
Il rompt toute harmonie et ne fait que produire
Du vent.

Fable 30




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