La Marmite aux Fèvres Pierre Bergeron (1787 - 18??)

Un Vatel féminin que parfois on décore
Du beau titre de Cordon-Bleu,
Dans un vase d'airain avait mis, sur le feu,
Cuire des sœurs de Pythagore,
Des fèves, comme chacun sait .
Or donc, tandis qu'au fond le reste s'entassait,
Quelques-unes montaient, flottaient à la surface.
La cuisinière les ôtait,
Et loin d'elle les rejetait ;
À ses yeux, en un mot, nulle ne trouvait grâce.
Un bambin qui prenait plaisir
A les voir sautiller sur les eaux écumeuses ,
Voulait qu'on épargnât les petites nageuses.
« - Je ne puis, dit la femme, écouter ton désir ;
L'apparence souvent trompe sur le mérite ;
Ces fèves qui nagent si bien,
Maigres, creuses, ne valent rien :
Les bonnes sont au fond de la marmite. »

Ainsi nous voyons ici -bas,
Avec une rare impudence,
Des gens vides et creux se mettre en évidence,
Et primer le talent qui ne se montre pas :
Ministres, n'est-ce point le cas
D'agir de la même manière
Qu'agissait notre cuisinière ?

Fable 29




Commentaires