Les Animaux constitutionnels Pierre Bergeron (1787 - 18??)

Des constitutions adoptant le système,
Jadis les animaux y virent le moyen,
En restreignant des rois la puissance suprême,
De faire le bonheur de chaque citoyen.
Ne les en blâmons pas, nous avons fait de même :
Tant mieux, si c'est pour notre bien,
Mais je suis là-dessus un peu pyrrhonien.
Par suite du nouveau régime,
D'un consentement unanime,
On voulut que l'enseignement
Fût libre et tout empêchement
Condamné comme illégitime.
Aussi qu'arriva-t-il de là ?
C'est que , capable ou non, un chacun s'en mêla ;
Le plus bête, le plus stupide,
Et même par cela d'autant plus intrépide,
En juré-docteur s'installa.
Quiconque ne savait que faire,
N'avait, pour sortir d'embarras,
Qu'à se jucher dans une chaire,
Sauf à montrer aux gens ce qu'il ne savait pas.
Chacun d'ailleurs s'arrangeant à sa mode,
Ce n'était que confusion ;
Aucune unité de méthode,
Aucune unité d'action.
Un ours enseignait l'art de plaire,
Un bœuf à danser, à sauter ;
Et, près d'un rossignol qui montrait à chanter,
Un vieux baudet montrait à braire ;
Un paon, déplumé, ruiné,
Pérorait sur l'économie ;
Un bouc, qui n'y voyait pas plus loin que son né,
Raisonnait sur l'astronomie.
Nul ne cherchait à faire un animal de bien,
Pour l'intérêt de tous enflammé d'un saint zèle,
A la morale, aux lois, à ses devoirs fidèle,
Ami du roi, bon citoyen.
Aussi plus de commun lien.
L'un tirait d'un côté, l'autre tirait de l'autre ;
Celui-ci voulait blanc, celui-là voulait noir,
Et de sa manière de voir
Chacun s'établissait l'apôtre.
Tout bêtes qu'ils étaient, les chefs comprirent bien
Qu'il leur fallait, coupant le mal dans sa racine,
De l'état ébranlé prévenir la ruine ;
Ils en trouvèrent le moyen.
Mais lequel ? Je l'ignore, et voudrais le connaître,
Il nous serait à nous fort utile peut-être.

Fable 47




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