À son lever, entouré de sa cour,
Sire lion disait un jour :
Je vois que l'homme dans ses fables,
Bien souvent empruntant de perfides couleurs,
Cherche à nous peindre méprisables,
Vils et sans foi, gourmands, voleurs,
Que sais-je ! A notre tour, prenons un peu la plume,
Et dans quelque joli volume,
Pour servir de vengeance aux pauvres animaux,
Peignons aussi ses vices, ses défauts.
Oui, son astuce et sa friponnerie,
Tout aussitôt s'écria le renard ;
Sa cruauté, sa barbarie,
Dirent l'aigle et le léopard ;
Et n'oublions pas, fit la pie,
De sa moitié l'esprit bavard.
Pour sa fable chacun eut un texte à sa guise ;
Rien ne gêna sa volonté.
Le lièvre prit la couardise,
Le chat choisit la gourmandise,
Et l'âne la lubricité.
C'est fort bien, dit le roi ; vite que l'on commence,
Et chaque fabuliste aura la récompense
Que son talent pourra lui mériter.
Quant à moi, si Phébus seconde mon génie,
Ambition et tyrannie,
Voilà les deux sujets que je compte traiter.