Certain cheval, né de parents bourgeois,
Dans l'humble et modeste écurie
D'un honnête et bon villageois,
Errait obscur dans la prairie.
Soumis à son destin, actif, obéissant,
Il se prêtait sans peine à des travaux vulgaires.
Hélas ! il n'était point de ces coursiers pur-sang,
De nos haras royaux fringants pensionnaires,
Eux qu'on dresse pour les honneurs,
Et qui, lancés dans la carrière,
Se couvrent à l'envi d'une noble poussière,
Pour obtenir la palme accordée aux vainqueurs.
Cependant convenons qu'on voit plus d'une rosse
Parmi ces illustres rivaux,
Et que souvent plusieurs de ces brillants chevaux
Ne sont bons tout au plus qu'à traîner un carrosse.
Revenons à notre cheval.
Non loin de son abri de chaume,
S'étendait un vaste hippodrome...
De la lutte soudain retentit le signal ;
A ce bruit, il dresse l'oreille,
Dans son cœur inquiet un feu nouveau s'éveille,
Tout son corps a frémi d'un transport martial.
Un élan généreux l'entraîne,
D'un seul bond il est dans l'arène,
Et sans maître, sans écuyer
Dont la voix l'excite et le guide,
Mais s'élançant, ardent, rapide,
Au but arrive le premier.
Il ne faut qu'une circonstance
Pour que des gens obscurs, hier inconnus encor,
Prenant soudain un noble essor,
Deviennent des gens d'importance ;
Et l'on a vu plus d'une fois,
Dans nos tourmentes politiques,
Des hommes sans blason, que leurs vertus civiques
Ont placés dignement près du trône des rois.