Notre sort est bien différent,
Disait hier en murmurant
De terre une pauvre Marmite
À la Soupière dont l'argent
Composait seul tout le mérite,
Ce que je vaux semble inconnu,
L'on me méprise, l'on m'évite.
Toi, dès que tu parais, l'on t'approche au plus vite,
Surtout si le potage en tes bords contenu
Laisse aux yeux du dîneur depuis longtemps venu.
S'évaporer enfin l'odorante fumée,
D'un succulent repas préface accoutumée,
Tu viens toujours trop tard au gré de plus d'un vœu ;
Sur ton orbe éclatant avec joie on se mire,
Mais, permets-moi de te le dire,
Officier de salon, tu ne vas pas au feu,
Ou du moins tu le vois si peu
Qu'à peine ton corps s'en reflète ;
Tu jouis des succès que mon travail apprête,
Et quand, trônant superbe ainsi qu'un empereur,
Tu reçois sans façons de tout être qui dîne
Les caresses et la faveur,
Du consommé vraiment l'on te croirait l'auteur ;
Cependant il a pris son goût, sa bonne mine,
Mes flancs calcinés au feu de la cuisine.
Je consume mes jours, pour ta célébrité,
Au sein du foyer qui me tue,
Puis la mort met le comble à mon obscurité
En jetant mes tessons dispersés dans la rue.
Tu le vois bien, jamais les hommes n'ont été
Les partisans de l'équité,
Et ce fut, la chose est certaine,
Pour la marmite de Mécène,
Autrefois exposée au sort que je subis,
Que Virgile écrivait le : Sic vos non vobis.
À la cuisine, aux bureaux, à la guerre,
Ne voyons-nous pas trop souvent
Tout le mérite au pot de terre,
Tous les honneurs au plat d'argent ?