Le Pot de terre et le Pot de fer Jean de La Fontaine (1621 - 1695)

Le pot de fer proposa
Au pot de terre un voyage.
Celui-ci s’en excusa,
Disant qu’il ferait que sage
De garder le coin du feu :
Car il lui fallait si peu,
Si peu que la moindre chose
De son débris serait cause :
Il n’en reviendrait morceau.
Pour vous, dit-il, dont la peau
Est plus dure que la mienne,
Je ne vois rien qui vous tienne.
Nous vous mettrons à couvert,
Repartit le pot de fer :
Si quelque matière dure
Vous menace d’aventure[1],
Entre deux je passerai,
Et du coup vous sauverai.
Cette offre le persuade.
Pot de fer son camarade
Se met droit à ses côtés.
Mes gens s’en vont à trois pieds

Clopin clopant comme ils peuvent,
L’un contre l’autre jetés
Au moindre hoquet[2] qu’ils treuvent.
Le pot de terre en souffre ; il n’eut pas fait cent pas
Que par son compagnon il fut mis en éclats,
Sans qu’il eût lieu de se plaindre.

Ne nous associons qu’avecque nos égaux ;
Ou bien il nous faudra craindre
Le destin d’un de ces pots.

Livre V, Fable 2, 1668




Commentaires