Le Melon et le Potiron Aimé Naudet (1785 – 1847)

Nonchalamment étendu sur la terre,
Et fier de son lit de fumier,
t’a melon sur ce ton altier,
Apostrophait le maître du tonnerre :
– Bon Jupin, ta sagesse est parfois en défaut ;
Souvent ta divine puissance
S’évertue à faire d’un sot
Un personnage d’importance.
Quand tu donnas celte grosseur
Au Potiron , mon camarade,
Il fallait de ma chair lui donner la saveur.
Des légumes c’est le plus fade,
Mais sans travail il croit, du moins;
Et tandis qu’à force de soins,
D’arrosements et de culture ,
Je parviens à peser trente livres au plus ;
Par une erreur de la nature
Dont tu devrais être confus,
Cette inutile et lourde masse ,
Va peser deux quintaux, et tenir plus de place
Que vingt beaux Cantaloups.— Le maître des saisons.
Dont la touchante prévoyance
Fait croître et mûrir les moissons,
En ces mots répondit à son impertinence :
—Est-ce donc un mal qu’à grands frais
Ton fruit mûrisse chaque année ?
Du riche (latter le palais,
C’est la brillante destinée
Qu’en quittant son fumier va chercher le Melon ;
Mais en fixant les lois de la sage nature,
Quand je fuis croître sans culture
Les larges lianes du Potiron ,
Du pauvre, cette fois, avec quelque raison,
J’ai ménagé la nourriture.

1829




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