Le Potiron et le Melon,
Provenus d'un commun sillon,
Sur le carré qui les rassemble,
Tous deux côte-à-côte rampants,
Concitoyens, voisins, parents,
Ne pouvaient s'accorder ensemble.
Au lieu de jouir en repos,
À l'ombre des mêmes rameaux,
De leurs conditions obscures,
Tous deux se faisaient mille maux ;
Chaque jour nouvelles injures,
Et partant sobriquets nouveaux.
Un jour, où, comme à l'ordinaire,
Ils se faisaient entr'eux la guerre,
Le Melon, tout en courroux,
Dit à l'Arbre : jugez-nous.
Voilà-t-il pas la Citrouille insipide,
Le gros et lourd Potiron,
Vrai manger du Porc avide,
Qui prétend l'emporter far moi, sur le Melon,
Qui jouit de l'honneur suprême
D'être mangé par l'homme même.
Ce n'est pas là, dit l'Arbre, un grand relief ;
Et si tu n'as d'autre grief,
La Citrouille et toi, ce me semble,
Vous pourriez vivre en paix ensemble.
Qu'il est égal d'être mangé,
Il me paraît en somme
Quand il s'agit d'être adjugé
Au Porc ou bien à l'Homme.