La Marmite et le Feu Fortuné Nancey (? - 1860)

Une marmite était remplie,
De bouillon propre à faire chère lie,
Mais qu'un feu pénétrant excité du dehors,
Entraînait par-dessus les bords.
Maître Lucas, sur ce point fort tranquille,
En homme qui se croit habile,
Se dit : Je connais le moyen
De t'arrêter, bouillon, et de sauver mon bien,
Vainement la chaleur t'emporte,
Moi, je saurai te contenir ;
Lorsqu'on veut au logis quelque chien retenir,
Le plus simple, je crois, est de fermer la porte.
Là-dessus d'un couvercle ajusté tout exprès,
Où chaînes et verrous se comptent à l'excès,
Notre homme couvre sa marmite ;
Puis se frotte les mains en se félicitant,
D'avoir et si bien et si vite,
Arrêté le mal existant.
Mais son triomphe est de peu de durée ;
Contre la fuite et l'ébullition,
La marmite est bien assurée ;
Mais ne l'est pas contre l'explosion.
La vapeur en effet, par la compression,
Augmente de volume ainsi que de puissance,
Et bientôt brise avec fracas
Une trop fragile faïence,
Dont les parois vont au nez de Lucas.
Imprudent, maladroit quoi qu'aujourd'hui sur terre.
Tu puisses à coup sur compter plus d'un confrère !
Ce n'était pas, pour le mal amoindrir,
Le vase qu'il fallait couvrir ;
C'était le feu bien plus à craindre
Qu'avant tout il fallait éteindre.

Livre I, fable 3




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