Le Feu d'artifice Alexis Rousset (1799 - 1885)

Sans doute, on peut aimer la gloire. Il faut pourtant
De son lot, quel qu'il soit, toujours être content.
Le bonheur ici-bas est la chose importante ;
Quoi ! poète, y souffrir, pour qu'ensuite on te vante !

- Combien mon sort est glorieux !
S'écriait un feu d'artifice.
Quel spectacle au séjour des dieux
Qui devant mes feux ne pâlisse !
Ma splendeur a-t- elle éclaté ?
Je vois soudain la terre entière
S'illuminer avec fierté
Aux mille jets de ma lumière ;
Et lorsqu'un instant les humains,
Tout ravis, ont battu des mains,
Je suspends mes feux, et le monde
Semble à jamais plongé dans une nuit profonde ! -
A ces mots, il part avec bruit ;
Il embrase tout à la ronde.
Le jour, chassant Phébé la blonde,
Apparaît au sein de la nuit.
Pas un témoin que ne ravisse
La beauté du feu d'artifice.
Mais, vus du bourg voisin, les jets
En sont pris pour des feux follets.
D'un peu plus loin l'on se demande
Ce qui paraît là-bas briller.
Cent pas encor, quand vient sa plus belle girande,
A peine on la voit scintiller.
Ensuite rien...

Voilà l'histoire
De nos succès et de la gloire.

Livre II, fable 19




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