L'Eau et le Feu Remacle Maréchal (1796 - 1871)

Sur d'arides copeaux que le phosphore embrâse,
À la chaîne enfumée est suspendu le vase.
Écoutez : déjà l'eau qui commence à sentir
De la douleur les premières atteintes,
De loin en loin pousse un faible soupir.
Bientôt du feu les cruelles étreintes
Viennent la torturer : c'est pitié de l'ouïr
Exhaler son angoisse en lamentables plaintes ;
C'est pitié de la voir alors,
En proie à son bourreau qui s'acharne à la mordre,
Écumer, se gonfler, se replier, se tordre,
Et s'épuiser en vains efforts.
Pour attendrir le monstre elle pleure, elle crie ;
Hélas ! elle ne fait qu'irriter sa furie...
Tout-à-coup, déployant, sous l'aiguillon du mal,
Une force, un courage à son martyre égal,
Terrible en sa fougue subite,
De sa prison d'airain
Elle bondit, se précipite
Sur le feu qu'elle éteint soudain.
Sombres spéculateurs de ce siècle égoïste,
Vous qui, pour assouvir votre fureur d'avoir,
Goutte à goutte exprimez, comme sous un pressoir,
Le sang des malheureux que votre obole assiste,
Imprudents, il est temps, laissez-vous émouvoir
Parles pleurs des martyrs qui vous demandent grâce.
Dans leurs plaintes déjà gronde au loin la menace ;
N'attendez pas le désespoir.

Livre I, fable 16




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