Le Gateau de miel Remacle Maréchal (1796 - 1871)

Maints insectes (je parle ici
De ceux qu'on voit, sans nul souci,
Passer les beaux jours aux prairies
A voleter sur les herbes fleuries),
Font rencontre, un matin, dans leurs ébats joyeux,
D'un débris de gâteau, chef-d'œuvre de l'abeille,
Que des enfants, après leurs jeux,
Au pied d'un arbre avaient laissé la veille ;
Et tous aussitôt d'accourir
Pour le voir, puis en discourir.
Bientôt, rangés en cercle autour de la merveille,
Ils commencent : « Bon Dieu ! que de trous ! - Mon avis
C'est qu'on fait ces trous-là de moitié trop petits.
― C'est bien aussi le mien ; mais, en outre, je pense
Qu'on devrait ménager entre eux plus de distance.
Pour moi, leur grand défaut c'est l'uniformité.
Regardez-les tous à la file :
Pas la moindre variété ;
Lorsque j'en vois un j'en vois mille.
- Passe encor s'ils étaient carrés. - Nous préférons
Y voir entremêlés des carrés et des ronds,
- Ah ! bah ! laforme ovale est bien plus gracieuse...»
C'est ainsi que, tranchant du juge compétent,
De la troupe frondeuse
Chaque membre au gâteau donne son coup de dent.
Sourde à tous ces débats, l'abeille cependant,
Diligemment par la prairie,
Va butinant de fleur en fleur.

Dirait-on pas, ami lecteur,
Voir messieurs de l'Académie
(J'entends du nombre une bonne partie),
Qui, se piquant d'avoir goût fin, savoir profond,
De rien faire se dispensent
Pour s'attrouper et dire à qui mieux ce qu'ils pensent
De ce que les autres font !

Livre III, fable 7




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