Sur des rameaux pliants et frêles,
Un couple de jeunes tourtereaux
Vint un jour se poser, tous deux tendres et beaux,
Gonflant leur doux plumage et frémissant des ailes.
Ils se roucoulaient leurs amours,
L'une disait : - Ami, je t'aimerais toujours
Et l'autre répondait : - Tu seras toujours blanche ;
Le printemps fleurira toujours sur cette branche,
Confidente de nos plaisirs.
Le temps doit s'arrêter au gré de nos désirs ;
Ma sœur, tu seras toujours belle,
Et moi, toujours, toujours fidèle !
Nous ne mourrons jamais… Près de là s'embusquait
Une corneille séculaire
Qui de leurs discours se moquait.
Elle était noire et solitaire ;
Les tourtereaux, en la voyant,
S'envolèrent à tire-d'aile,
Puis à leur tour se moquant d'elle,
Ils la maudirent en fuyant.
Ils avaient raison, la vieillesse
Ne doit pas troubler la jeunesse
Dans le rêve des beaux jours.
Laissons à l'âge d'or ses naïves croyances,
Ce sont les folles espérances
Qui font les plus sages amours !
Symbole 2 :
Les mathématiques éternelles règlent la vie, mais seules elles ne sont pas la vie ; elles ont
pour contrepoids équilibrant l’amour éternel, le père de la poésie.
Beau comme un dieu, fatal comme le sort,
Ce doux tyran, ce bonheur qui tourmente,
L’amour est né complice de la mort ;
L’amour joyeux c’est la mort triomphante.
Mais quand la mort triomphe par l’amour,
L’être éternel s’échappe de la tombe ;
Et sur les flots qu’il apaise à son tour,
De l’univers quand vient le dernier jour,
L’amour fait planer sa colombe.
L’enfer a dit : Je n’aime pas l’amour ;
L’injuste amour est une préférence.
Contre le ciel j’élèverai la tour
Où veut régner ma fière indifférence.
- Opposer donc des remparts à ce Dieu
Qui du néant combla le précipice !
D’un vol rapide il pénètre en tout lieu ;
Il est plus prompt, plus puissant que le feu,
Plus absolu que la justice !
L’amour superbe est le grand Lucifer
Tombé du ciel pour féconder les mondes.
Rien n’assouplit sa volonté de fer,
Il se fait jour aux nuits les plus profondes.
C’est le désir inexorable et fort,
C’est de Sestos la lumière qui veille.
D’un sombre écueil son flambeau fait un port,
C’est un Sanson qui jamais ne s’endort ;
Il est vaincu dès qu’il sommeille.
C’est le brigand, le contempteur des lois ;
C’est l’éternel révolutionnaire,
Il jette au monde et renverse les rois,
Dans le chaos il repétrit la terre,
Avec sa sœur, l’ardente liberté,
De la victoire il défend la couronne :
Il est heureux, vainqueur et détesté,
Mais il s’enfuit dès qu’il est accepté :
Il dédaigne ce qu’on lui donne.
C’est le démon, mais c’est la volupté ;
C’est le péché, mais c’est la force vive ;
Il fait le mal, mais il fait la beauté ;
On le repousse et toujours il arrive !
C’est le torrent conquérant de son cours,
C’est le rival et le but du tonnerre :
Malgré les lois, la haine et les discours,
Dans la nature il produira toujours
La mort, la naissance et la guerre.
Mais un rayon de la divinité
Comme un filet le surprend et l’enchaîne.
Il est épris de la maternité,
Cette splendeur de bonté surhumaine.
C’était la force, il devient le pouvoir,
Sur un berceau quand sa fierté s’incline,
Il se transforme en immortel espoir,
Et lorsqu’il peut épouser le devoir,
Il se charge en vertu divine.