Un missionnaire autrefois,
A force de soins et de peine,
Traduisit en bon iroquois
Une fable de la Fontaine.
Un jongleur savant et profond,
Car il savait à peu près lire,
A ses concitoyens apprend pour les instruire
Ce poème qui les confond,
Une fourmi parlant à une cigale !
C'était une fourmi sans doute sans égale ;
Une déesse, un manitou !
On ne peut douter de l'histoire ;
Elle vient d'un grand saint, d'un homme en robe noire.
Voilà le peuple à moitié fou :
À la fourmi l'on dresse un temple
Paré des plus vives couleurs ;
Aux jeunes gens, aux beaux parleurs,
On la propose pour exemple.
Un voyageur passe par là ;
Il voit le nouveau culte, il rit de l'algarade,
Et jure à la sotte peuplade
Que jamais une fourmi ne parla.
- Eh quoi ! c'était une sottise
Que le saint nous avait apprise,
Dit le peuple irrité. – Non, répondit le passant,
C'est une belle fable, on me la fit apprendre
Comme à vous quand j'étais enfant.
Ce qu'elle enseigne est vrai, mais il faut la comprendre.
Je me le suis dit bien des fois,
Docteurs qui défendez ou qui sifflez la Bible,
Ce beau livre du ciel contient vraiment les lois ;
Il n'est ni absurde ni risible,
Mais vous êtes des iroquois.
Symbole 1 :
Sous les symboles divers de tous les âges, de tous les peuples et de tous les cultes, la même philosophie est cachée.
Le trimourti de l’Inde, le triangle d’Hermès qui porte les noms d’Osiris, d’Isis et d’Horus, la triade sacrée de Pythagore symbolisée dans les fables helléniques par le triple Jupiter, par la triple Parthénie et par les trois grâces, représentent les grandes forces équilibrées de la nature.
La savante Egypte n’a pas plus adoré le chien sous la figure d’Anubis ou le chat sous le symbole d’OElurus, que nous n’adorons la colombe qui figure le Saint-Esprit, l’agneau hiéroglyphique du sacrifice et de la lumière, et le pain qui est le sacrement de l’universelle charité.
Mais d’âge en âge la science s’oublie, les signes restent comme des lettres qu’on ne sait plus lire, et l’ignorance insulte à un symbolisme matérialisé par une autre ignorance.
Lucien se moque des dieux de l’Olympe et de leurs ridicules amours, il insulte au fuseau d’Hercule, comme Voltaire à la mâchoire d’âne de Samson et aux tartines d’Ezéchiel.
Comme si Hercule enivré par Omphale, et Samson vaincu par Dalila n’étaient pas un seul et même symbole.
Les Juifs accusent les Egyptiens d’adorer les oignons, les Romains accusent les Juifs d’adorer la tête d’un âne, les chrétiens accusent les Romains d’adorer tout excepté Dieu. Dupuis accuse les chrétiens d’adorer un dieu de farine. Partout la même ignorance ou la même mauvaise foi, et l’on retrouve partout ce même ennemi de la vraie religion que saint Jean appelle symboliquement la bête et que nous appellerons philosophiquement la bêtise.
Faut-il pour cela proscrire le symbolisme ? Faut-il jeter au feu les fables de la Fontaine, parce que des enfants stupides croient que réellement les bœufs et les ânes ont parlé ?
Les fables ont pour but d’instruire les enfants et non de propager le culte des ânes ou les âneries des croyants aveugles.
Faut-il brûler les livres d’algèbre parce qu’il y a une multitude de personnes qui n’y comprennent rien ?
Le symbolisme est une science comme l’algèbre et analogue même à l’algèbre, car, sous des signes convenus, il représente d’une manière abstraite des idées exactes comme les nombres et représentées même souvent par des nombres.
Le kabbaliste polonais Wronski, représentant par Fx le connu et l’inconnu, pose ainsi en caractères algébriques le problème universel de la philosophie occulte.
Fx=A0Ω0+A1Ω1+A2Ω2+A3Ω3…
Ce qui signifie : l’être est proportionnel à l’être, ou l’infini égale toutes les qualités possibles, ou encore, les propriétés absolues de l’être sont proportionnelles au besoin absolu de tous les êtres, d’où l’on peut déduire cet axiome : la nécessité de l’être infini suppose le progrès indéfini des êtres.