J'aime à vivre avec les oiseaux ;
Je me fais leur ami, leur compagnon fidèle ;
Je les veux aujourd'hui prendre pour mes héros.
De combien de vertus ils offrent le modèle !
Que d'exemples j'en puis citer !
Vit-on jamais chez nous tendresse égale à celle
De ces deux Tourtereaux dont je vais vous conter
L'amitié douce et fraternelle ?
Ils avaient eu même berceau.
Jamais l'un ne quittait son frère,
Côte à côte ils dormaient sur le même rameau ;
Allaient boire au même ruisseau ;
Même table ils avaient ; union douce et chère !
Sitôt que les zéphyrs faisaient place aux frimas,
On les voyait partir ensemble ;
Ensemble ils revenaient à leurs premiers climats.
Partout même toit les rassemble.
Quand l'un allait en quelque lieu,
Cherchait quelque rive nouvelle,
Ils ne se disaient point d'adieu,
L'absence eût semblé trop cruelle,
L'autre suivait à tire-d'aile.
Un jour que nos oiseaux, de leur gîte écartés,
Voyageaient réunis comme Oreste et Pylade,
L'un d'eux voyant au loin quelques épis plantés,
Dit à son ami : Camarade,
Vous n'avez pas dîné ? Les beaux fruits que voici !
Regardez, cette graine est mûre.
Prenez un peu de nourriture ;
Nos pénates sont loin d'ici.
— Vous ne songez qu'à moi, répondait son Oreste.
Et moi, je crains pour vous, je tremble que ce grain
Ne vous soit un piège funeste.
— Mais mon frère sans doute a faim ;
Allons, le Ciel fera le reste.
Ces mots à peine dits, le couple voyageur
S'élance comme un trait, sur la gerbe se pose ;
Et voilà qu'il est pris, Un perfide oiseleur
Avait frotté de glu la chose.
Le plus jeune disait, sanglotant à demi :
Que je suis criminel ! C'est moi qui suis la cause
Du mal que souffre mon ami.
Si je pouvais briser la chaîne !
Du moins il serait libre et je mourrais sans peine.
L'autre reprit : Ne pleurez point.
Vous n'avez pas failli, nul de nous n'est coupable.
Prenez plutôt courage. Un malheur qui nous joint
Nous doit être chose agréable.
Le Ciel ne veut nous désunir.
Vos jours sont miens, ma vie est vôtre ;
Et, mon frère, s'il faut mourir,
Nous ne mourrons pas l'un sans l'autre.
L'oiseleur, qui de loin guettait nos Tourtereaux,
Arrive transporté de joie,
Pose la main sur les gluaux,
Croit saisir une double proie
Et ne prend qu'un seul des oiseaux.
L'autre, plein de terreur, à quelques pas s'envole.
Mais que lui sert sa liberté,
Lorsque dans sa prison où son frère est jeté,
Il l'entend qui gémit ! Lui, pleure, se désole,
S'efforce d'attendrir l'oiseleur par ses cris ;
Et perdant tout espoir, s'élance vers la cage,
Rejoint son camarade ; et joyeux d'être pris,
Bénit cent fois son esclavage,
Que ces Tourtereaux s'aimaient bien !
Qui ne voudrait avoir des amis si fidèles ?
Pourquoi faut-il, hélas ! qu'un si tendre lien.
Ne se rencontré plus qu'au nid des Tourterelles.