Les Ours et l'Écureuil Étienne Azéma (1776 - 1851)

Au fond d'une forêt, certains Ours en goguettes
Célébraient leur patron : c'était fête au désert.
On fit voir les marionnettes ;
Puis Arlequin joua ; puis au son des musettes
On dansait sur un tapis vert.
Les Ours sont amis de la danse ;
Mais ceux-ci n'étaient pas fort savants sur ce point.
Peu d'entrechats, de valses point.
L'un partait, et voilà tous mes Ours en cadence,
Le bruit qu'ils font attire un gentil Écureuil.
Çà, mon petit ami, viens, danse, et sois des nôtres »,
Lui dit-on. L'étranger, flatté de cet accueil,
Se mêle dans leurs jeux, saute comme les autres.
Un gros Ours vous saisit l'innocent animal,
Et le lance comme une bombe.
Un autre s'en empare au moment qu'il retombe,
L'estropie et rit de son mal.
Il gémit, il se plaint ; mats perdu dans la foule,
Ses cris ne sont guère écoutés.
Pendant qu'il s'égosille, on le presse, on le foule,
On l'écrase de tous côtés.
Le pauvret à la fin, profitant du tapage,
Se retire clopin clopant,
Sur un arbre se sauve, et disait en grimpant :
Que nos seigneurs les Ours ont la danse sauvage !
N'ayons jamais affaire à ces gros animaux.
Un petit Écureuil, s'il est prudent et sage,
Doit jouer avec ses égaux.

Livre I, Fable 8




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