L'Ours, le Singe et l'Âne Théodore Lorin (19è siècle)

Grâce à force coups de bâton,
Un ours avait appris à marcher en cadence.
Messieurs les ours ne sont pas, nous dit-on,
Bien fameux dans l'art de la danse.
Devant Bertrand le singe et maître Aliboron
Il voulut montrer son adresse,
Ses grâces et sa gentillesse.
Sans pitié, le malin Bertrand
Lui lança maint sarcasme et mainte raillerie,
Que, comme de raison, le lourdaud mécontent
Crut inspirés par la haine et l'envie ;
Mais l'âne jusqu'au ciel éleva son talent.
Notre ours alors dit en faisant la moue :
« J'avais tort de me courroucer
Contre Bertrand : je dois, en effet, mal danser,
Puisqu'à perte de vue Aliboron me loue. »

Un homme de talent, de mérite, d'esprit,
Peut en nous critiquant commettre une méprise ;
Mais dès qu'avec emphase un sot nous applaudit,
C'est que nous avons dit ou fait quelque sottise.

Livre VII, Fable 17




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