Le Chameau, l'Ours et le Singe Adolphe Durand (1784 - 1878)

En censurant malignement les défauts des autres, nous nous rendons odieux» et nous faisons penser aux nôtres.

Un homme conduisait de ville en ville pour l'amusement des enfants un chameau, un ours et un singe. Ce dernier animal, méchant et railleur, relevait les défauts de ses deux compagnons avec une malignité sans égale ; «Vois-tu comme cet ours, est fagoté, disait-il au chameau ; il n'a pas forme animale, quelle vilaine^ tête ! quelles jambes courtes ! et cette queue !... Il y a de quoi mourir de rire de voir ces formes grotesques, enfoncées encore » dans ces longs poils ; et il danse !... » Le chameau l'écoutait tranquillement, et répondait par un sourire. Après avoir bien drapé l'ours, il allait le trouver, et lui disait : « Comment trouves-tu le chameau, camarade ? Voudrais-tu avoir le dos fabriqué de la sorte, et porter une tête montée sur un si vilain cou ? Que penses-tu de ses hautes jambes, de son long corps, et de son allure stupide ? — Je pense, lui répondit l'ours, que tu parles des autres comme si tu étais un animal parfait, quand pourtant ta tête, tes jambes deux fois plus longues que ton corps, ton derrière pelé et sans queue, et tes grimaces continuelles font de toi un fort vilain animal. »
Le singe, qui croyait amuser l'ours aux
dépens du chameau, fut penaud de l'aventure ; heureux, s'il avait profité de la leçon !