Le Singe et l'Ours Fortuné Nancey (? - 1860)

Sachons rester à notre place,
Ne cédons pas à trop d'ambition ;
Tel qui s'élève avec audace
Tombe ou fait si bien qu'on le chasse,
De trop d'orgueil juste punition.
Si tu montes du moins agis de telle sorte,
Qu'on ne désire pas de te voir à la porte.
C'est, si tu veux, le conseil d'un barbon,
Suis-le toujours, pourtant, car il est bon.

Sur un arbre couvert d'une riche parure,
(Je n'entends pas seulement la verdure),
Mais de noix qui l'avaient tenté,
Un singe un jour était monté.
Pour lui quelle bonne fortune
Et quel repas délicieux !
Comme il se promet bien, ne pouvant être mieux
De toutes les gober sans en laisser aucune !
Comme gaîment il sait se balancer,
De branche en branche se hisser.
Comme de l'une à l'autre il passe,
Suspendu par la queue et tantôt par la main,
Faisant sur l'arbre son chemin,
Avec autant d'adresse que de grâce.
Un ours qu'aussi le fruit tentait,
Depuis longtemps le regardait.
Il crut enfin qu'il saurait faire
Aussi bien que le singe, et le voilà monté,
Cherchant à récolter aussi de son côté.
D'une ascension téméraire
Que le regret bientôt dans son cœur s'est glissé!
A peine sur la branche, elle cède, elle casse ;
L'ours tombe à terre tout blessé,
Et chacun rit de sa disgrâce.

Livre III, fable 7




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