Dans un bois, au sommet d'un chêne séculaire,
De jeunes écureuils pour mieux tuer le temps
(La jeunesse d'un rien souvent sait se distraire),
En riant se lançaient dés glands.
Dans le fort du combat, traversant le feuillage,
Un de ces verts boulets, sur la fin dé son cours,
Va tomber sur le nez d'un ours
Qui passait dans le voisinage.
Cet ours, de la forêt très grave personnage,
Était d'un caractère orgueilleux, emporté,
Il se croit le jouet de la troupe en gaîté,
Et les yeux flamboyants devant l'arbre il se dresse :
— Quel est, leur dit-il, l'insolent
Qui vient d'avoir la hardiesse
De me jeter au nez un gland ?
Je veux de cette insigne offense
Par la mort du coupable avoir prompte raison.
— Monseigneur, veuillez bien croire à notre innocence
Et mettre de côté toute prévention.
Nous pouvons l'affirmer en tonte conscience :
Nul de nous ne vous avait vu.
L'être emporté par la colère
Se trouve tout-à-coup de raison dépourvu.
Aussi sur l'arbre tutélaire,
Sans daigner écouter, l'animal furieux
Veut-il, pour happer sa victime,
Monter, grimper jusqu'à la cîme.
Sous ses mouvements onduleux,
Crac ! soudain se rompt une branche,
Il dégringole, tombe et se casse une hanche.