Dans ce jardin fameux, nommé Jardin des Plantes,,
Où l'on voit, à côté de cultures savantes,
Des animaux vivants qu'on fait beaucoup souffrir
Pour notre bon plaisir,
Un Ours, nommé Martin, dans une cour profonde,
Par ses tours se faisait admirer à la ronde,
Et, ce qui vaut mieux, méritait
Force petits gâteaux que chacun lui jetait.
Le gardien de cet ours, longtemps après la brune,
Se promenant au clair de lune,
Regarde dans la cour, et voit briller au fond
Un petit objet blanc et rond.
C'est un écu, dit-il, il faut que je descende ;
Je doute que l'Ours m'entende y
Il dort profondément ;
D'ailleurs, il est privé. Je puis prendre l'argent ;
Sur ce, maître Arpagon essaye l'aventure, ;
Mais Martin 1 "entendit ;,- et comme la nature
Veut que tout prisonnier déteste Un gardien,
Il étrangla le fou, dont la riche capture
Était un vieux jeton qui valait moins que rien.
Cet homme-là vivait du produit de sa place ;
Pourquoi se risquait-il encor
Pour un peu d'or ?
C'est que d'en amasser jamais on ne se lasse,
C'est que l'homme, ici-bas, expose ses destins
Pour aller en carrosse et vivre de festins ;
C'est que, pour saisir l'opulence,
Il use en vains tourments sa fragile existence,
Et lorsqu'il devient riche au gré d'un fol orgueil,
Si la mort vient lui fermer l'œil,
Du mal qu'il s'est donné quelle est la récompense ?...
On l'enterre avec pompe en un plus beau cercueil.
; Amis -, contents du nécessaire,
D'inutiles trésors ne soyons point jaloux ;
Vivre paisiblement c'est le sort le plus doux
Que l'on puisse espérer sur terre.