Un homme, possesseur d'une douce opulence,
En véritable épicurien,
Peut-être usait un peu trop bien
Du loisir et de l'abondance.
Au sein des voluptés narguant la continence,
De bonne heure il avait dépensé ses cheveux ;
Son cœur demeurait jeune et son crâne était vieux.
Je lui sais, dans Paris, beaucoup de camarades,
Honnêtes gens d'ailleurs, qui, de mille pommades
Après avoir en vain essayé le secours,
A l'art du perruquier ont à la fin recours.
Mon chauve, peu malin, d'une immense perruque
S'était fait affubler du front jusqu'à la nuque.
Il était ridicule, et dans plus d'un salon
On le surnommait Absalon.
Un ami lui donna Cet avis salutaire :
Bien qu'un peu fatigué, si tu veux encor plaire,
Et ne pas sonner pour toujours
Le couvre-feu de tes amours,
Aux attraits simulés donne la vraisemblance.
Après ta nudité, tant de magnificence
A l'incrédulité conduit.
Ruse modérément, pour ruser avec fruit.
Sur ton chef dégarni, qu'une main sûre et leste
Joigne au peu de cheveux qui maintenant le reste
Quelques cheveux d'emprunt négligés avec art,
Et n'attirant pas le regard
Par une frisure immodeste.
Mainte belle s'y trompera,
Ou du moins elle le feindra,
C'est tout ce qu'il faut à notre âge.
Puis étendant plus loin ce conseil assez sage,
Tu ne verras jamais s'attacher à tes pas
Le persifflage ou la boutade,
Si, dans ton caractère ainsi qu'en tes appas,
Des qualités que tu n'as pas
Tu ne veux point faire parade.