Pour se livrer en paix aux douceurs de l'amour,
Deux tourtereaux de l'aigle avaient quitté la cour,
Et dans les bois fixé leur résidence.
Ils furent oubliés ; messieurs les courtisans
Gardent rarement des absents
Une bien longue souvenance :
Imitons-les pour un instant.
De tous ses ennemis le prince triomphant,
Entouré de flatteurs, au sein de l'abondance,
Vivait dans les plaisirs et la magnificence.
Mais, hélas ! aux portes des rois
L'adversité frappe aussi quelquefois.
L'aigle perdit sa femme, objet de sa tendresse :
Plus de fêtes, plus d'allégresse.
Puis de Sa Majesté la santé déclina.
Tout le monde l'abandonna.
« Sa cour était d'une tristesse.
C'était une prison, un lugubre tombeau :
On n'y pouvait tenir. » La funeste nouvelle
Arriva jusqu'aux lieux où le couple fidèle
Goûte un parfait bonheur. « Ah ! dit le tourtereau,
Je retourne au palais. » — « Serait-il vrai ? s'écrie
En soupirant sa compagne chérie.
Quoi ! nous allons quitter nos bois délicieux
Pour cette cour que j'ai toujours haïe ! »
« Il le faut bien, ma bonne amie,
Le prince est seul et malheureux. »