Les deux Tourtereaux et l'Aigle Théodore Lorin (19è siècle)

Pour se livrer en paix aux douceurs de l'amour,
Deux tourtereaux de l'aigle avaient quitté la cour,
Et dans les bois fixé leur résidence.
Ils furent oubliés ; messieurs les courtisans
Gardent rarement des absents
Une bien longue souvenance :
Imitons-les pour un instant.
De tous ses ennemis le prince triomphant,
Entouré de flatteurs, au sein de l'abondance,
Vivait dans les plaisirs et la magnificence.
Mais, hélas ! aux portes des rois
L'adversité frappe aussi quelquefois.
L'aigle perdit sa femme, objet de sa tendresse :
Plus de fêtes, plus d'allégresse.
Puis de Sa Majesté la santé déclina.
Tout le monde l'abandonna.
« Sa cour était d'une tristesse.
C'était une prison, un lugubre tombeau :
On n'y pouvait tenir. » La funeste nouvelle
Arriva jusqu'aux lieux où le couple fidèle
Goûte un parfait bonheur. « Ah ! dit le tourtereau,
Je retourne au palais. » — « Serait-il vrai ? s'écrie
En soupirant sa compagne chérie.
Quoi ! nous allons quitter nos bois délicieux
Pour cette cour que j'ai toujours haïe ! »
« Il le faut bien, ma bonne amie,
Le prince est seul et malheureux. »

Livre X, Fable 17




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