La Chouette, la Corneille et les Oiseaux Jean-Louis-Marie Guillemeau (1766 - 1852)

Il faisait jour encor, quand certaine chouette,
A l'air maussade, au regard de travers,
Osa quitter son obscure retraite
Et s'élever dans le vague des airs.
À l'instant, les oiseaux accoururent en foule
Pour voir cet oiseau ténébreux ;
Tous gazouillaient à qui mieux-mieux.
Ce peuple me choisit sûrement pour sa reine,
Dit, à part soi, notre sot animal ;
Ces chants sont un honneur sublime, sans égal,
Qu'ils rendent à leur souveraine.
Sur ce, de crever dans sa peau,
De se carrer, de faire des grimaces,
En croyant se donner des grâces,
Et de trancher du bel oiseau.
Une charitable corneille,
Qui comprit sa grossière erreur,
Lui dit cesse de croire à ce rêve trompeur ;
Bien loin qu'on veuille ici te rendre aucun honneur,
Et te considérer comme une autre merveille,
Chacun te voit d'un air moqueur.

Les sots, flattés d'un plaisanterie,
Prennent pour un éloge, et pour un compliment,
Ce que l'on ne dit bien souvent
Que par esprit de raillerie.

Livre V, fable 4




Commentaires