Entre Tirlemont et Maline,
Comme un matin, Jardon, ce fringant remorqueur,
Sur le luisant railway volait à faire peur
(Son guide avait, je l'imagine,
Un peu trop ce jour-là caressé la chopine),
Voilà que seule la vapeur
Prétend en avoir tout l'honneur,
Disant : « Quelle puissance à la mienne est égale ?
Sans compter cette masse énorme, colossale
Dont je vais me jouant comme fait le bambin
De son sabot, voyez m'obéir ce long train,
Si long que, du tender, un mousquet de sa balle
A peine en atteindrait la fin.
Nargue, à côté de moi, des vents et du tonnerre !
A moi l'empire de la terre !
Que par moi...! » Sur ce ton hautain
L'ambitieuse allait poursuivre quand soudain,
L'interrompant dans sa colère,
Le feu lui dit : Pour Dieu, tais-toi !
Sotte, à l'heure qu'il est, sans moi
Tu ne serais qu'un peu d'eau claire
Propre à désaltérer quelques pieds de gazon.
C'est grâce à ma chaleur que tu deviens si forte.
Eh ! tiens, regarde : à peine on t'a mise à la porte
Que le faible zéphir aussitôt sans façon
De son moindre souffle t'emporte,
Bien plus facilement qu'il n'enlève au buisson
Sa plus légère feuille morte. »
Le feu, j'opine, avait parfaitement raison.
Esprit humain, ô toi, vapeur d'une autre sorte
Qui vient de l'impossible à bout
Et vole éparpillant ses miracles partout,
Oh ! montre-toi plus raisonnable
Que la vapeur de notre fable,
Qui si bien par le feu se vit humilier ;
Et lorsque de ta force à bon droit l'on s'étonne,
Sois assez sage au moins pour ne pas oublier
Le feu divin qui te la donne.