O nuits de l'équateur ! vous avez pour comète
Ces insectes ailés dont le corps noir projette
De splendides lueurs ;
Tous les feux de vos jours, au corps des lucioles
Se sont-ils concentrés ? Mouche à feu, quand tu voles
Brillante, est-ce ton cœur
Embrasé, qui déborde, et qui, comme une lave
Sur tes anneaux obscurs s'étend ? Brûlante épave
Ne traverses-tu l'air,
Que comme la fusée en nos feux d'artifice
Pour la joie des enfants, ou bien en sacrifice
As-tu donné ta chair,
Pour éblouir en bas ta petite amoureuse
Cachée en un brin d'herbe et qui regarde, heureuse,
De voir passer l'amour
Sur sa tête en rayons ? Va donc, ma Luciole,
Et décris dans la nuit brillante parabole :
Bientôt viendra le jour !
On nous dit qu'en leurs bals les femmes des Antilles
Te donnent pour prison la soie de leurs résilles.
Cheveux noirs que l'éclair
De tes feux illumine, et grands yeux pleins de flamme,
Peau brune aux reflets d'or, jamais ici la femme
N'aura vos tons d'enfer !
Et tes feux s'éteindront plus vite, ô Luciole !
Que le feu dévorant que mettra la créole
Au cœur de son danseur.
Demain tu ne seras dans noire chevelure
Qu'un insecte hideux, charbon ou pourriture,
Jeté avec horreur ;
Mais, traversant les airs ou captive, qu'importe !
Pour celle qui t'aimait ou celle qui te porte
Tes feux auront brûlé ;
Sillon dans le ciel noir ou lumineuse aigrette,
Ton destin d'une nuit enviera le poète,
Mon pauvre insecte ailé !