Étoile du matin ! ce nom de litanie,
Qu'en priant on adresse à la Vierge Marie
Pourquoi le portez-vous,
Petite fleur des rocs, petite fleur sauvage,
Qui croissez au glacier et tout près du nuage ?
« Morning star ! » dites-vous.
Oui, oui, je le sais bien, de la libre Amérique
Vous êtes une fleur au style laconique,
Et je perdrais mon temps
A vous faire expliquer, en forme poétique,
D'où vient ce nom si doux ; ici tout est pratique :
« Le temps c'est de l'argent ! »
Puisque vous l'ignorez, moi, je vais vous le dire :
Vous êtes du printemps là-haut le seul sourire,
Étoile du matin !
L'hiver, le long hiver, aux neiges, aux tempêtes,
Pendant plus de six mois roule sur votre tête,
On n'en voit pas la fin !
Un linceul blanc recouvre et vos pics et vos cimes,
Et nul être là-haut n'affronte vos abîmes.
Vous poussez un matin
Aux doux rayons de mai, comme ici violette
Quand le soleil reluit, donnant un air de fête
Même à vos vieux sapins !
Et celui qui revient aux hautes solitudes,
Voyageur ou mineur, vous cueille d'habitude
Au bord de son chemin,
Admirant tout joyeux la croix de vos pétales
Et l'air tout frissonnant de votre lilas pâle,
Étoile du matin !
Et s'il est du pays où fleurissent les roses,
Où la fleur parle aux yeux, où disent mille choses
La rose et le jasmin,
A celle qui l'attend il enverra sans doute
Cette fleur du glacier, prise au bord de sa route,
L'Étoile du matin.
S'il est un émigrant de la blonde Allemagne
Qui laisse ses foyers, et jamais ne regagne
Son triste et dur climat,
Il pense à Marguerite, aux yeux bleu de pervenche,
Qui cueille au bord de l'eau petite fleur qui penche,
Le : « Ne m'oubliez pas ! »
Si vous la rencontrez jamais sur votre route,
La fleur des hauts sommets vous dira sans nul doute,
Enfants, autre refrain ;
Pour moi, vieux voyageur, voilà ce que murmure
Dans son lilas fané, dans sa pâle verdure,
L'Étoile du matin !