Deux mineurs égarés dans une forêt vierge
S'endormirent un jour sous l'ombrage profond
Des palmistes, au tronc élancé comme un cierge,
Des courbarils chenus où les orchidées font
Leur séjour aérien en versant leurs effluves.
Tous deux, appesantis par la chaleur du jour.
Car il fait en ces lieux plus chaud qu'en des étuves,
Ne pensaient plus du tout aux bêtes d'alentour.
Dieu sait si là, pourtant, le mal a des complices !
Les insectes d'abord : mille-pattes, scorpions,
Garapates, fourmis, puces perforatrices,
Ces dernières surtout vous perçant les talons
Pour pondre à l'intérieur million de sales bêtes,
Et toute la tribu des venimeux serpents :
Trigonocéphale, et corail, et à sonnettes,
Je ne veux pas en faire ici dénombrement.
Dans l'air : chauve-souris et l'énorme vampire.
Contre votre repos toute bête conspire.
Un de nos deux mineurs crut entendre le bruit
D'un Serpent à côté, ce bruit de castagnettes
Que fait, dans sa fureur, le Serpent à sonnettes :
« Oh ! oh ! filons d'ici, la place n'est pas nette ! »
Il le fit sans retard, ma foi ! bien lui en prit,
Au Serpent il cassa les reins de sa baguette.
L'autre nigaud dormeur se retourne et s'étire
Sans ouvrir l'oeil, disant : « Je sens un petit vent
Sur ma nuque, bien frais, quel souffle de zéphyre ! »
C'était le battement des ailes du Vampire
Qui lui suçait le cou très délicatement,
Et la mort s'ensuivit, il ne faut pas en rire.
Lorsque des ennemis la troupe nous entoure,
Ouvrons l'oeil, mes enfants, malgré notre bravoure
Celui qui nous endort sans faire moindre bruit
Est le plus dangereux, à preuve mon récit.