Il m'en souvient comme d'hier,
(Quarante ans de plus sur ma tête !)
C'était par un soleil d'hiver
Oui mettait la nature en fête :
Un jour de Noël,-un beau jour,
Pour l'écolier un jour de fête,
Où chasseur novice alentour
Cherchait partout petite bête.
Le Lièvre, car on dit là-bas,
Non pas un Lièvre, mais le Lièvre
(on n'en voit pas à chaque pas),
Quand on le voit donne la fièvre.
Et le cœur me battait bien fort,
Ma main tremblait comme de fièvre.
Quel cris joyeux quand il fut mort !
J'avais tué mon premier Lièvre !
Depuis tant et tant j'en ai vus
Des gibiers de toute nature,
De tous pays, cornus, poilus,
Et de cocasses, je l'assure !
J'ai tué des singes au vol,
J'ai pu voir des ours dans la neige,
Et j'ai mangé du rossignol
Comme ortolan en temps de siège.
Mais mon Lièvre, qu'il était beau !
Qu'elle était belle sa fourrure !
Jamais on n'en vit un plus gros !
Jamais pareil dans la nature !
Oh ! les jeunes yeux de quinze ans,
Ils n'ont pas besoin d© lunettes
Avec des verres grossissants
Pour voir en beau choses ou bêtes.
La gloire, l'argent ou l'amour
Plus tard peuvent donner la fièvre,
Mais on s'aperçoit un beau jour
Que rien ne vaut le premier Lièvre.