Quand ton poing frotte tes deux yeux,
C'est qu'il vient, le marchand de sable,
N'est-ce pas, gamin aux yeux bleus ?
Tu n'aimes donc pas mes fables ?
Tu me trouves donc ennuyeux ?
Pourtant je m'accoude à ma table,
Chaque soir me crevant les yeux,
Pour inventer nouvelle fable.
Tant pis ! Je vais encore un peu
Faire travailler ma mémoire,
Te jeter de la poudre aux yeux
Et te conter nouvelle histoire.
Justement j'ai là sous la main
Le fruit du Sablier des Antilles.
Tu ne sais pas encor, gamin !
Quand s'y porte ta main gentille,
D'où me vient ce fruit rococo
Servant à mettre la poussière ?
Du pays des noix de coco
Où fit fortune un grand-grand-père.
Il y mit de la poudre d'or,
J'y mets un peu de poudre bleue,
Et tu ne peux savoir encor
Si plus tard à la queu leu leue,
Gomme ces vieux grands-papas,
Tu ne feras pas mille lieues
Pour aller voir d'autres climats,
Des pays d'or et des mers bleues.
Ou si tu feras le trajet
De rue Rieher à la rue Blanche
Pour éplucher bourse, budget,
Sur un pupitre usant ta manche.
Enfin !... tu l'auras sous la main
Pour poudrer de belle poussière
D'or ou de bleu, mon cher gamin !
Le vieux Sablier de tes grands-pères !