La mouche Ardélion, personnage important,
Qui jadis se donna la peine
D'aider, dans un chemin sablonneux et montant,
L'attelage d'un coche épuisé, hors d'haleine,
Et parvint à lui faire enfin gagner la plaine
Sous les feux d'un soleil ardent,
Se trouvait encore en voyage.
Un jour, en voltigeant et par monts et par vaux,
Elle aperçoit de loin un brillant Équipage,
L'attelage éclatant de six jeunes chevaux
Roulait un Char léger qu'elle joint au passage.
Elle s'assied sur le timon,
Et fendant des flots de poussière,
S'imagine être Phaéton,
Guidant le Char de la lumière.
Mais voilà tout à coup une côte à monter.
Les coursiers, que le vent paraissait emporter,
Ralentissent le pas. La mouche, un peu confuse,
S'en aperçoit, et s'en accuse.
Hélas ! dit-elle, ils n'ont pas tort.
J'ai mon poids comme un autre, et-le pauvre attelage
N'en peut plus : je le vois succomber sous l'effort,
Si ma fuite ne le soulage.
La raison dit qu'on doit, en toute occasion,
Avoir de la discrétion.
Ainsi parlant, elle s'envole.
Cette Mouche était une folle,
Allez-vous dire. Oui, mais chez nous,
N'avons-nous pas de pareils sous ?
Pleins d'une risible importance,
Combien n'en est-il pas qui pensent de leur poids
Embarrasser l'Etat, inquiéter les Rois,
Et dont leurs voisins même ignorent l'existence !