Une vieille corneille allait toujours grondant,
Gourmandait l'un et l'autre, avait toujours à dire
Dus qu'elle apercevait entre eux jouer et rire
Quelques jeunes enfants du peuple croassant.
Elle avait pour surnom : la Mère Rabat-joie.,
Si, lorsque en troupe on voyageait,
Quelques jeunes corbeaux de la directe voie
S'écartaient un instant, sus vite elle volait
Et pour les punir leur donnait
Grands coups de bec et grands coups d'aile.
— Voisin, dit-elle, un jour, à certain vieux corbeau
A peu près du môme âge qu'elle,
Voyez-vous toujours tout en beau
Et trouvez-vous encor que la jeunesse actuelle
Vaille celle de notre temps ?
Vous ne pouvez nier que son extravagance,
Sa conduite étourdie et ses égarements
N'égalent pour le moins sa désobéissance.
— Je suis bien étonné, ma chère,
Répondit le corbeau, que vous,
Si folâtre autrefois, même plus que légère,
Je vous le dis bas entre nous,
Vous soyez maintenant si prude et si sévère.
Apaisez, croyez-moi, votre bilieuse humeur,
Et sachez que tout vieux pécheur
Sur les défauts d'autrui doit garder le silence
Et plus qu'un autre doit avoir de l'indulgence.