Quand, dans les plaines éthérées,
L'ardent lion est de retour,
Et que l'été vient, à son tour,
De ses feux dévorants consumer nos contrées ;
Le joyeux laboureur, dans ses féconds guérets,
Dès le matin assemblant sa famille,
Sous les coups redoublés de l'active faucille,
Fait tomber les dons de Cérès.
Les gerbes ont bientôt remplacé les javelles ;
Et lorsque, vers le soir, les tardifs moissonneurs
S'en retournent, chargés de richesses nouvelles,
Un avide essaim de glaneurs
Suit leurs traces, en diligence,
Et s'empresse de ramasser
Les épis que, pour l'indigence,
Une sage coutume ordonne de laisser.
De tous côtés, à l'aventure,
Mille oiseaux viennent après eux,
En picotant les grains échappés à leurs yeux,
Pour leurs petits, chercher pâture.
Il n'est pas jusqu'à la fourmi
Qui ne trouve moyen, accumulant d'avance
Pour l'arrière-saison, d'avoir, en abondance,
De leurs restes encor, son magasin garni.
Ce champ ressemble assez à celui de la fable :
Phèdre, Esope, Lockman l'avaient ensemencé ;
Et le bonhomme Jean, lui seul inimitable,
Profitant d'un travail aussi bien commencé,
Sut le premier y faire une moisson complète.
Il a même laissé peu de chose à glaner :
De ce peu quelques-uns ont formé leur cueillette ;
Beaucoup d'autres, après, sont venus butiner,
Par-ci, par-là, quelques grains à leur zèle
Heureusement encor échappés par hasard.
Quant à moi, la fourmi m'a servi de modèle.
Et j'arrive même bien tard
Pour pouvair espérer, comme elle,
Avoir de la récolte une petite part.