Le secret du Métier Stop (1825 - 1899)

À la fête de Bougival
Un Magicien à barbe noire
Interpellait ainsi son auditoire :
« Messieurs, je n'ai pas de rival
Pour deviner le caractère
De qui voudra, civil ou militaire ;
Passé, présent, futur, pour moi pas de mystère,
Et je défie, à pied comme à cheval,
Les plus grands sorciers de la terre ! »
Badauds d'entrer chez lui ; muni d'un porte-voix,
Un hibou pour tout accessoire,
Il allait, prédisant, au choix,
L'amour, la fortune ou la gloire,
Souvent même tout à la fois.
Aux amoureux il parlait d'espérance,
Aux vieillards du temps qui n'est plus,
De la payse aux pantalons garance,
Aux laboureurs de leurs écus ;
Aux dames il savait complaire
En disant du mal des maris,
Et parlait d'un millionnaire
Aux demoiselles de Paris.
C'était, vous le voyez, un physionomiste.
Un jour pourtant, surpris à l'improviste
Par un Monsieur peu caractérisé,
Il resta court. « Que le diable t'emporte »,
Dit l'inconnu, « sorcier malavisé! »
L'autre, éclairé soudain, lui parla de la sorte :
« Votre bon caractère étonne l'univers,
Et votre douceur est exquise ;
Mais il ne faut pas qu'on s'avise'
De vous regarder de travers !
— « Ma foi, dit le quidam, c'est une chose étrange,
Et cet homme est vraiment sorcier
Pour m'avoir d'un seul mot si bien peint tout entier ! »

Il faut gratter les gens où cela leur démange :
Voilà le secret du métier.

Fable 57




Commentaires