Un Escargot était l'hôte d'un potager.
Portant sur lui sa maisonnette,
Il vivait sans soucis., sans impôts, sans loyer,
Enfin — ce qu'envierait plus d'un bourgeois honnête —
Sans avoir besoin de portier.
Rien ne troubla cette innocente vie
Jusqu'au jour où lui vint l'envie
De voir le monde ! Heureux qui, sans plus s'agiter,
Dans sa coquille aime à rester !
Mais dans notre Escargot bouillait l'ardeur fébrile
Du voyage ; on le vit bientôt, d'un pas agile,
Se diriger vers un grand peuplier
Qu'il avait vu, du haut d'un espalier,
Tout auprès de son domicile.
Comme il allait y monter sans façon,
Il entendit une vieille Limace
Lui crier : « Où vas-tu ? Ce chemin, mon garçon,
N'est pas fait pour un Limaçon. »
Mais il se mit à rire et lui fit la grimace.
Puis il monta, monta, monta
Sans relâche, et ne s'arrêta
Que lorsqu'il fut au faîte, auprès des hirondelles.
Alors que de choses nouvelles !
D'un seul coup d'œil il aperçut un pré,
Deux moulins, un étang, cent arbres, un curé,
L'église, et pour le moins vingt maisons à la ronde.
Il eut idée, enfin, de la grandeur du monde !
En ce moment, de l'horizon
S'avançait, dans un gros nuage,
L'orage.
Tous les oiseaux du voisinage
Disparurent, chacun regagnant sa maison.
Notre pauvret se hâta de descendre ;
Mais,, avant le quart du chemin,
La foudre, en longs éclats, tout près se fit entendre,
Et le vent, emportant l'imprudent pèlerin,
Par un saut périlleux termina son destin.
Dans ce temps fertile en tempête
Chacun peut craindre un pareil saut ;
De peur de vous rompre la tête,
Bonnes gens, n'allez pas trop haut.