Le Papillon et l'Escargot Jacques Cazotte (1719 - 1792)

Brillant des dons de la nature,
Tout émaillé d'azur et d'or,
Un Papillon prenant l'essor
D'un vol qui s'essayait encor,
S'émancipait sur la verdure.
Zéphyr, de son haleine pure,
Des fleurs entr'ouvrant le trésor,
L'audacieux, de leur calice,
Dérobe en passant les douceurs :
Pour ses inconstantes ardeurs,
Un instant est un sacrifice.
On le croit touché des faveurs ,
Il en est las : il vole ailleurs.
Que le bonheur tourne de têtes!
Maître de tout ce qui fleurit,
Le volage, de ses conquêtes,
Triomphe plus qu'il ne jouit.
Il fait plus, il s'enorgueillit.
Il voit, avec dédain, les êtres
Que le sort n'a pas rendus maîtres
De voltiger ainsi que lui,
N'ayant ni moyens ni figure;
Enfin , condamné à l'ennui,
De se traîner , pour toute allure,
A ses yeux, le pauvre Escargot
Est une triste créature :
Sa maison lui semble un ballot,
Sinon une prison bien dure ;
Il faut qu'il en dise son mot.
Lourd porte-faix ! change de route.
Il paroît que tu ne vois goutte.
Voilà des fleurs sur ton chemin.
Tu vas les flétrir : ton passage
Infecte tout le voisinage.
Ce n'est pas ici ton butin.
Va-t-en chercher quelque masure.
A la semonce un peu trop dure
L'Escargot dit : Qui parle là ?
Est-ce l'insecte que voilà,
Qui répand ce torrent d'injures ?
Oh, oh! tu te montres bien fier,
Parce que tu te vois en l'air ,
Tout bariolé de peintures.
Crois-moi, ne fais pas tant le vain;
Tes beaux jours finiront demain.
Avant tout cet éclat qui brille,
Le monde t'a connu chenille;
Et, malgré tes airs triomphants,
Chenilles seront tes enfants.

Fable 47




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