Au milieu d'un terrain fertile,
Toute une horde de castors
S'était construit un domicile.
Pour qu'elle fût tranquille dans ses forts,
Il fallait, enchaînant le cours d'une fontaine,
Transformer en étang une petite plaine:
Deux coteaux la bornant. une digue entre deux
En remplissait l'objet au mieux.
L ouvrage s'avançait ; la troupe travaillante
Était active autant qu'intelligente.
Un jeune, cependant, près d'un vieil ouvrier,
Réfléchissait tout haut en gâchant le mortier.
Un Escargot passait là, de fortune,
Et se traînait, hélas ! bien pesamment.
« Où va cet insecte rampant,
Emportant avec soi son ignoble repaire ?
Que ne le laisse-t-il ici !
Il en irait plus vite à son affaire.
L'imbécile propriétaire,
Serrat-il par hasard tourmenté du souci
Que , pour rien, quelque intrus s'en rendît locataire?
Il le retrouverait, j'en serais le garant. »
lie vieux castor répond : « Vous risqueriez à l'être:
Bien plus que vous , l'Escargot est prudent :
Vous le soupçonneriez peut-être
De n'avoir pas su réfléchir
Que ceci d'eau va se couvrir.
Je l'ai vu, ce matin, tout au haut de ce hêlre :
Il inspectoit de là les travaux que l'on fait;
Tout lourd qu'il vous paroit, il en jugeoit en maître,
Et va se mettre à couvert de l'effet.
S'il rampe , appréhendons que notre propre allure
Ne nous induise à nous préoccuper
Contre une marche toujours sûre.
On chemine en tout sens, quand on sait bien ramper.
Du sommet d'une branche , atteignant à la nue ,
Le voilà descendu sur cet humble terrain :
Sous les flancs du rocher qui s'offre à votre vue,
Il ira s'enterrer-demain.
Aux rigueurs de l'hiver quand rien n'est insensible,
Se fermant par une cloison,
Fruit de son industrie, ainsi que sa maison,
Il va se rendre inaccessible.
Son talent sans doute est obscur ;
Mais qu'importe l'éclat, si l'effet en est sûr ! »