Le Mérite et l'Éloge Alexandre Coupé de Saint-Donat (1775 - 1845)

Le Mérite isolé languissait sur la terre :
Et comme de lui-même il ne se produit guère,
Il était peu connu quand le père des Dieux
Dit : Je prétends à tous les yeux,
Avec éclat présenter le Mérite ;
Eloge, volez à sa suite.
L'Eloge part : il arrive bientôt
Sur ce globe habité par l'humaine séquelle ;
Alors, interrogeant tout un peuple falot,
Du mérite, en ces lieux, n'a-t-on point, de nouvelle ?
Lors, chacun répondit pour soi :
Le Mérite, parbleu, venez, il est chez moi
Et non chez mon voisin, n'allez pas vous méprendre.
Venez ici ; non, allez là,
L'Eloge ne sait quel entendre !
Le Mérite modeste alors se présenta ;
Mais trois quidams, rempli» d'audace,
S'étaient déjà mis à sa place.
Le Mérite se tut, et comme il ne dit mot,
L'Eloge le prit pour un sot,
Et consuma son temps (jugez de la méprise)
A célébrer l'Orgueil, le Vice et la Sottise.